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Quel programme de compliance pour L’Algérie ?

  • Maître Rafik Rabia
  • 11 mai 2017
  • 16 min de lecture






« La morale n’est rien de plus que de la régularisation des égoïsmes ».


En évoquant la conformité, j’ai pensé une seconde à cette citation de Jeremy BENTHAM. L’égoïsme, un monteur important de concurrence, dans la mesure que l’esprit individualiste humain tend à mettre les opérateurs dans une perspective de séduction. Cependant l’égoïsme non régulé à crée, à travers l’histoire, des tyrans idolâtres du pouvoir. L’esprit de l’idéal concurrentiel guide donc une rationalisation des égoïsmes qui ne peut commencer que par une autolimitation des tentations.


Une métaphore du « chantier », que je pensais exagérée, démontre bien la difficulté qui est nôtre. Les chantiers éducatifs, sociologiques ou idéologiques ont une caractéristique bien particulière ; le paramètre temps. Des années, voire des générations passent pour qu’un tel chantier s’achève, ou du moins, que ses prémisses émergent.


Ce qui différencie notre chantier des autres édifices d’envergure est bien le caractère temps. L’attente n’est pas permise. Toute réaction latente des institutions et des entreprises pourrait avoir des conséquences aussi bien sur le marché, qui fait l’objet de notre idéal, que sur l’économie algérienne dans sa globalité.


Les entreprises algériennes ne peuvent plus ignorer les règles de concurrence. Elle ne peuvent et ne doivent plus exercer des pratiques obscures dans l’impunité la plus absolue. Corrélativement, le Conseil qui prône actuellement la politique de la carotte doit, lui aussi, faire évoluer sa stratégie pour inclure le bâton parmi des moyens privilégiés. Par cette dernière politique, les sanctions qui seront prononcées redonneront aux entreprises la mesure de l’importance d’une telle conformité.


Dans les pays qui ont adapté un programme de conformité, l’efficacité de ce dernier n’a pas été décrétée. Elle a été dictée par les sanctions prononcées par les autorités de concurrence du haut de leurs vertus. Face à ce danger, il était devenu essentiel pour les opérateurs économiques de développer des moyens leur permettant de maîtriser au mieux les risques concurrentiels. Les opérateurs sont conscients que la violation des règles de concurrence est telle qu’une anticipation d’une procédure contentieuse ou l’atténuation de ses effets devient, par la force des choses, un enjeu majeur pour les entreprises.


Dans un pays comme le nôtre où le droit de la concurrence est encore à un stade embryonnaire, un programme de conformité risque de ne pas trouver bon entendeur. Cela pourrait être lié, d’une part, au manque de prise de conscience de son importance par les entreprises, et d’autre part, aux impératives budgétaires qui pourraient dissuader ces dernières d’allouer un budget pour un programme qu’elles pourraient percevoir comme inutile.


Par ailleurs, la place importante qu’occupe le secteur informel fait que le rapport de force se retrouve parfois biaisé. La délimitation des marchés et l’identification de leurs structures s’avèrent difficiles. Cela pourrait dissuader les entreprises à s’orienter vers une conformité quand leurs concurrents « officieux » exercent en toute impunité.


Il serait donc contre-productif de regarder le marché algérien avec un œil occidental. Une adaptation aveugle d’un programme qui, certes, a montré ces preuves dans les pays où il a été adopté, ne peut se montrer efficace dans une réalité autre que celle pour laquelle il a été crée.


Le besoin d’adaptation d’un tel programme est d’une importance majeur qui va de son efficacité. Il serait donc nécessaire de s’interroger sur l’utilité d’un programme de conformité en Algérie, notamment en l’absence d’un programme de clémence (I). D’autre part, les enjeux majeurs d’une telle conformité nous renvoient vers un terrain stratégique sur l’opportunité d’une conformité pour les entreprises algériennes (II).


I- L’utilité d’un programme de conformité au droit de la concurrence en Algérie.



L’objectif du programme de conformité prôné par le Conseil de la concurrence est la prévention des pratiques portant atteinte à une concurrence effective sur le marché. Il tend à orienter les entreprises sur le terrain de la légalité en mettant en place des systèmes de prévention des risques. Un programme de « compliance », terme anglo-saxon de la conformité, a toujours été précédé par un programme de clémence. Force es de constater que notre droit ne prévoit pas, du moins pour l’instant, un programme de clémence. Pour autant, cela ne présage aucunement d’une inefficacité ou une inutilité d’un programme de conformité (A). L’opportunité d’un tel programme est d’autant plus importante dans ce cas que son absence pourrait mettre en péril l’entreprise. Par ailleurs, l’efficacité d’un tel programme dans le contexte algérien dépend de son adaptation aux réalités internes (B).


A : Une utilité face à l’absence d’un programme de clémence.


Il ne faut pas nier que, face à l’absence d’un programme de clémence, les entreprises sont friandes à tout programme de conformité si ce dernier risque de se retourner contre elles. Un programme de clémence doit inévitablement être adopté. Toutefois, peut-on adopter un programme de clémence identique à ceux adoptés dans l’Union européenne et par les Etats membres ? Doit-on élaborer un programme adapté à une réalité nationale ?


Les programmes clémence ont, en réalité, une convergence quant à leurs finalités. Il sont mis en place par les autorités de la concurrence afin d’encourager les entreprises à dénoncer en premier les cartels dont elle font partie. Cette procédure pourrait aboutir soit à une immunité totale ou à une exonération partielle des amandes. Toute autorité de la concurrence précise les conditions à remplir pour obtenir le bénéfice et la procédure à suivre à cet effet.


Il serait possible et fortement souhaitable d’adopter, en Algérie, un programme de clémence adapté au tissu industrielle, composé essentiellement de PME, et à la chaleurs humaine qui caractérise notre société. Contrairement à la France où les voisins de palier ne se connaissent du "bonjour" matinal, les chefs d’entreprise d’un secteur, en Algérie, se connaissent tous à « la place du marché ». Une dénonciation pourrait altérer leurs relations sociales et familiales. Cela va de même pour les entreprises familiales qui, en toute logique, appliquent la politique qui consistent dire « dans la famille, on dénonce pas ». Tous ces paramètres et caractéristiques internes doivent appeler à une application sur mesure pour l’Algérie.


Toutefois, notre pays n’est pas coupé du monde. Il vit et interagi avec les différents marchés auxquels il participe. Ainsi, les accords d’association signés par l’Algérie et l’Union européenne peuvent constituer un risque pour les entreprises en l’absence d’une harmonisation. Les entreprises algériennes qui bénéficient de clémence ou d’une négociation dans le cadre du programme de conformité peuvent d’être poursuivies par la Commission européenne pour la même infraction.


En effet, l’internationalisation des échanges impose, en réalité, une régulation à l’échelle mondiale. Face à l’inexistence d’un droit international de la concurrence, l’Union européenne se débrouille comme elle peut pour ne pas laisser des zones de non droit dans les marchés auxquelles elle participe. La Commission européenne applique son droit de la concurrence d’une manière extraterritoriale sur la base de la théorie de l’effet. Il s’agit du fait de sanctionner un opérateur pour une pratique anticoncurrentielle quand bien même cette dernière et son auteur sont localisés en dehors de l’Union européenne, dès lors que des effets se font ressentir sur le marché intérieur européen.


Les entreprises algériennes prennent le risque d’être poursuivie, non seulement par le Conseil de la concurrence, mais aussi par la Commission européenne. C’est en se basant sur cette théorie de l’effet que la Commission a sanctionné une entreprise tunisienne, en l’occurrence ICF, pour une pratique ayant eu des effets sur le territoire de l’Union européenne sans qu’elle soit implantée sur le territoire ni même que la pratique soit localisée sur le marché intérieur européen.


L’application extraterritoriale du droit de l’Union européenne se heurtait, en réalité, à un principe issu de l’arrêt Lotus de la Cour permanente de justice internationale, qui, tout en admettant une application extraterritoriale d’une norme, exclu toute voie d’exécution. La Commission dispose, donc, sur cette base, d’un pouvoir lui permettant d’infliger des sanctions à une entreprise externe à l’UE. Toutefois, "commander n’est pas contraindre". A moins que l’entreprise contrevenante dispose d’avoirs à l’intérieur de l’Union, la Commission est dépourvue de tout moyen de recouvrement d’une sanction pécuniaire. Il en va de même pour les enquêtes. Le principe de souveraineté s’oppose à une extension des enquêtes sur le territoire d’un état tiers. Certains pays mettent en place des lois de blocages qui s’oppose à toute communication de documents ou d’informations dans le cadre des enquêtes diligentées par des autorités de la concurrence étrangères.


Pour surmonter cet obstacle justifié par le principe international de la non-gérance, la Commission inclus systématiquement des stipulations qui prévoient une collaboration entre la Commission et les autorités des Etats signataires. L’Algérie a accepté de signer des accords d’association dans lesquelles une collaboration ne laisse place à aucune ambiguïté.


On peut lire dans l’article 4-2 qui stipule que « les parties procèdent à la coopération administrative dans la mise en œuvre de leurs législations respectives en matière de concurrence et aux échanges d’informations dans les limites autorisées par le secret professionnel et les secrets des affaires». Par conséquent, à moins d’une affaire qui concernerait le secteur militaire ou stratégique du pays, dans lesquelles une divulgation de certaines informations pourrait aller à l’encontre de la politique interne et l’intérêt de l’Etat, le Conseil ne peut, en aucun cas, refuser de communiquer des informations à la Commission.


On voit bien que l’Union européenne s’est prise des garanties à la fois pour étendre ses enquête sur le territoire algérien mais aussi sanctionner des pratiques anticoncurrentielle constatées à l’intérieur du marché algérien et ayant des effets sur le marché intérieur.


Il serait donc logique de s’interroger sur les garanties dont disposent des entreprises algériennes, dans le cas de l’adoption d’un programme de conformité ou/et de clémence, pour éviter d’être sanctionnées par une autre autorité. Comment une entreprise algérienne peut-elle être sûre que les documents et informations collectés, ou plus tôt mise à la disposition du Conseil de la concurrence par les entreprises, ne se retrouve pas entre les mains de la Commission et utilisés contre elle dans le cadre d’une affaire contentieuse ?


Le programme de clémence qui doit être adopté par les autorités doit prendre en compte tous ces paramètres. Une négociation, dans le cadre du comité d’association est indispensable pour assurer une certaine sécurité juridique aux entreprises.


Pour autant, en l’absence d’un programme de clémence, le programme de conformité n’est pas sans intérêt. Pour illustrer la meilleure méthode d’atteindre un objectif, Jeremy BENTHAM estime que « la nature a placé l’humanité sous le gouvernement de deux maîtres souverains, la douleur et le plaisir. Eux seuls dictent nos actions». L’efficacité d’une politique peut passer aussi bien par des sanctions qu’avec des « médailles » pour ceux qui se conforment à la règle.


Les entreprises seront, bien évidemment, friandes de toute idée de programme de conformité susceptible de faire remonter des pratiques enfouies au risque de faire l’objet d’une sanction. Toutefois, l’inexistence d’un programme de clémence ne lie pas le pouvoir du Conseil. La sanction n’est pas une fin en soi. Ce moyen n’est aucunement une obsession pour le Conseil de la concurrence. Le but de ce dernier est de rétablir une concurrence non faussé sur le marché. La sanction n’est qu’un moyen parmi d’autres pour atteindre cette finalité. Un dialogue constructif avec le Conseil de la concurrence peut faire éviter aux entreprises des sanctions, ou du moins, limiter leur importance, en les convertissant, par exemple, à des injonctions comportementales.


Les entreprises qui, après audit, font remonter des pratiques encore en cours doivent immédiatement les cesser et entamer un dialogue avec le Conseil dans l’optique d’une conformité au droit de la concurrence. Le Conseil qui dispose d’un grand pouvoir d’appréciation peut entrer en négociation avec l’entreprise contrevenante afin de trouver la meilleure façon de rétablir la concurrence. Toutefois, il ne faut pas confondre sanction et indemnisation des victimes. Le Conseil dispose, certes, d’une liberté dans la sanction mais ne peut en aucun cas exonérer l’auteur d’une réparation de préjudice causé aux victimes. Ce dernières peuvent se tournent vers le juge pour le voir prononcer une réparation du préjudice.


On peut se poser aussi une question qui est d’une importance non négligeable. Si l’entreprise arrive à détecter une pratique, pourquoi ne pas décider de la cesser et fermer le rideau ? Pourquoi doit-elle entrer en contact avec le Conseil au risque de se voir sanctionner quand bien même cette dernière est modeste?


Nonobstant, l’existence de restriction par l’objet, en droit de la concurrence, ce n’est pas le comportement qui est répréhensible mais plutôt ces effets. Il se peut qu’un acte anticoncurrentiel qui n’est plus en cours produise des effets futurs à moyen ou à long terme. Une pratique de prix prédateur, par exemple, dans le but d’exclure une entreprise, peut, même après le retour à un prix normal, avoir des effets sur les entreprises qui ont subi cette agressivité. Ces dernières peuvent être poussées à quitter le marché ou réorienter leurs productions. Le Conseil qui constate un effet sur un marché peut sanctionner l’entreprise alors que la pratique en question n’est plus en cours. Les entreprises doivent alors entrer dans un dialogue constructif avec le Conseil pour éviter d’avoir cette épée de Damoclès susceptible de frapper lourdement et à tout moment.


Le programme de conformité doit toutefois être adapté à une réalité algérienne. La taille des entreprises, les liens existant entre les dirigeants, les spécificités de certains secteurs, le manque de culture de la concurrence en Algérie, tous des paramètres à prendre en compte pour l’élaboration d’un programme de conformité efficace.


B : L’efficacité d’un programme de conformité dans le contexte algérien


Quelles sont les conditions pour que le programme envisagé soit efficace ?


La concurrence, avant d’être un droit et un outil entre les mains des experts, est avant tout une culture. Les Etats qui ont développé ce programme ont non seulement une demande croissante des entreprises matérialisé en saisine des autorités et des juges, mais aussi des besoin et exigence du citoyen via des associations des consommateurs. La culture est un questionnement permanent de vérité et cet état d’esprit est vraiment souhaitable en droit de la concurrence. Le Conseil de la concurrence a, avant tout, pour mission une sensibilisation du public à son intervention. Mais la concurrence peine encore à entrer dans la catégorie des valeurs à tel point qu’elle constitue un véritable défi culturel en Algérie.


La concurrence est un processus construit et protégé par le droit qui est à ce titre un ressort essentiel de la régulation de l’économie de marché. Il importe de favoriser les prises de conscience pour qu’elle soit reconnue comme telle. Son efficacité est alors un véritable enjeu pour les Etats. Ce constat est d’autant plus vrai dans notre pays qui peine encore à remettre au droit de la concurrence la place qui est la sienne.


Le travail de sensibilisation des acteurs doit pousser ces derniers à voir le droit de la concurrence dans tous leurs faits et gestes. Ils doivent penser à ce qu’il risque avant de penser aux gains qui, en toute circonstance, ne peuvent être que temporaires.


Toutefois, une règle n’a d’intérêt que par son application. Qui pensait qu’un jour, en Algérie, la ceinture de sécurité devient une seconde nature pour laquelle on ne se pose plus la question de l’origine de cette obligation ?


Le programme qui doit être adapté par les entreprises ne doit pas se limiter à mimer ce qui se fait ailleurs. La taille de l’entreprise, sa position concurrentielle, son avancer technologique, le nombre d’entreprises qu’elle contrôle, l’importance de son portefeuille client sont tous des paramètres à prendre en compte pour la mise en place d’un programme.


Le programme qui doit être proposé par le Conseil, s’il pense à établir un document cadre, doit prendre en compte les disparités existantes mais aussi laisser une grande marge aux opérateurs dans l’adoption des programmes selon leurs spécificités propres.


Il existe toutefois un impératif d’adapter le programme au secteur de la grande distribution. Certains volets doivent quand même être imposés peu importe la taille de l’entreprise. Le contrôle de la structure des entreprises par les fournisseurs peut être imposé dans le cadre de la grande distribution. Le système de rechargement du crédit téléphonique utilisé par les trois opérateurs de téléphonie mobile est un système qui tend à disparaître dans tous les pays développés. Les dérivent qui peuvent être constatées sur ce marché peuvent avoir des conséquences désastreuses aussi bien pour des entreprises que pour le consommateur.


Les programmes doivent mettre en place un mécanisme, pour les entreprises en position dominante individuelle ou collective, de détection des entreprises « écran » et au nom d’emprunt en imposant, par exemple, la remise préalables des statuts avant toute signature de contrat.


Pour les entreprises familiales, le problème est plus complexe. En matière d’entente, la Cour de justice de l’Union européenne, dans l’arrêt Suker Unie, a donné des critère d’identification des ententes tacites en estimant que les entreprises ne sont pas censée entrer en contact. Dès qu’il y a prise de contact et parallélisme de comportement, on tombe dans l’entente. Comment peut-on empêcher des entreprises familiales d’entrer en contact, notamment en période de ramadhan où les prix atteignent des sommets ?

Il faut dans ce cas sensibiliser ces entreprises sur les risques encourus en insistant sur l’étanchéité que ces entreprises doivent observer, a moins qu’une fusion fasse disparaître l’autonomie de décision qui pourrait exclure toute pratique coordonnée du champs d’application du droit de la concurrence.


Il pèserait, donc, sur les entreprises familiales une charge plus importante que celle qui pèse sur les autres entreprises, étant donné qu’une concertation est présumée par le Conseil en présence d’éléments probants d’un faisceau d’indice. Au demeurant, une plus grande prudence doit être observé par ces entreprises en adoptant un programme qui éviterait d’entrainer les entreprises familiales dans le terrain contentieux.


Mais d’un point de vue stratégique, comment les entreprises peuvent gérer les risques liés aux pratiques anticoncurrentielles ?


II La gestion des risques liés aux pratiques anticoncurrentielles


Le programme de conformité doit avoir comme but de faire éviter des pratiques anticoncurrentielles aux entreprises. Un programme efficace doit non seulement faire surgir certaines pratiques à l’intérieur de l’entreprise mais aussi faire éviter des comportements futurs par une bonne anticipation.


A : Construire un programme de conformité efficace.


Quel est l’intérêt pour l’entreprise d’adopter un programme de conformité ? Comme une sanction peut mettre une entreprise sur le tapis, la construction d’un programme efficace est indispensable.


Les sanctions en matière de concurrence ont en réalité un effet dissuasif. Le Conseil de la concurrence n’a pas pour vocation de reteindre une liberté ni de sanctionner des entreprises. Il faut savoir que le Conseil de la concurrence n’éprouve aucun plaisir à infliger des sanctions. Son but est de préserver un ordre public concurrentiel par un certain équilibre du marché. La sanction n’est qu’un moyen pour atteindre ce but. Si un autre moyen est adapté et proportionné à la pratique constatée, le Conseil de la concurrence peut l’utiliser pour réparer le déficit de concurrence.


Les entreprises ont dès lors tout intérêt à dialoguer avec le Conseil de la concurrence pour, non seulement éviter de tomber dans la prohibition, mais aussi essayer d’avoir des remise de peine en cas d’effets significatif réparables. En revanche, le fait de ne pas adopter un programme de conformité peut entrainer le Conseil, non seulement à prononcer une sanction sévère, mais aussi considérer l’absence d’un programme de conformité comme une circonstance aggravante. Dès lors, les coûts pour monter un programme de conformité qui, certes pourraient être importants, sont insignifiants devant une sanction du Conseil de la concurrencent qui peut atteindre 12% du chiffre d’affaires. Ce programme qui est en réalité une optique volontariste des entreprises ne laisse aucun doute, du point de vue stratégique, de la nécessité de son adoption vu les grands risques encourus.


Comment monter un programme efficace ?


Premièrement, il faut choisir, à l’intérieur de l’entreprise, un programme de conformité « sur mesure » et ne pas adopter un programme type au risque de ne pas être efficace et de débloquer un budget inutile. Pour une entreprise qui n’est pas en position dominante, il est inutile de chercher à éviter des abus. Par contre, ce programme doit évoluer avec l’entreprise. Si cette dernière se trouve en point technologiquement sur un segment de marché, cela peut lui conférer une position dominante sur ce dernier, et par ricochet, l’obligation de se conforme à certaines règles qui n’étaient pas une priorité auparavant.


L’adoption donc d’un programme personnalisé a l’avantage d’assurer un équilibre entre la prise en compte des risques liés au droit de la concurrence et le maintien d’un certain dynamisme commercial en s’affranchissant de tous les obstacles inutiles issues d’une application aveugle d’un programme non adapté.


Deuxièmement, il est indispensable que les dirigeants s’engagent et engage l’entreprise à adopter et à respecter un programme de conformité. Cet engagement peut se matérialiser sous forme d’une charte qui doit engager le dirigeant et toutes les personnes susceptible d’engager la volonté de l’entreprises.


Reste toutefois à délimiter la notion de dirigeant. Là encore, un choix stratégique doit s’opérer. Il pourrait, par exemple, sembler opportun d’impliquer les dirigeants d’une société mère afin d’imprimer un caractère solennel au programme de conformité. Cependant, un tel choix peut s’avérer dangereux puisqu’il serait de nature à conduire le Conseil de la concurrence à étendre son enquête à l’ensemble du groupe.


Troisièmement, créer un organe interne aux entreprises spécialisé dans le contrôle, la détection des pratiques à risque et désigner une personne responsable de la mise en œuvre du programme. Cette personne doit être indépendante et ne doit relever que du PDG. Les relation qui se créent dans les entreprises algériennes fait que l’information ne remonte jamais jusqu’au PDG. Donc il serait souhaitable, vu les enjeux, de mettre cette personne ainsi que son service directement sous l’autorité du premier responsable.


Quatrièmement, la formation et sensibilisation des personnes à risque reste un point central du programme. La personne chargée de l’application du programme doit avoir de grandes connaissances de l’aspect substantiel du droit de la concurrence pour pouvoir reconnaître et détecter toute pratique douteuse. La formation doit s’étendre à tout le personnel susceptible de prendre une décision engageant l’entreprise.


Toutefois, l’adoption d’un tel programme n’est pas sans risque pour les entreprises. Dans le cadre du programme, l’entreprise collecte, en interne, un certain nombre d’informations sur d’éventuelles pratiques non évitées. Il se peut que le Conseil procède à une saisie dans le cadre d’une enquête, et qui lui permet de mettre la main sur ces informations compromettantes sur des pratiques douteuses non évitées. Il faut néanmoins relativiser ce dernier point étant donné que le Conseil de la concurrence ne dispose pas encore du pouvoir de perquisition.


Le deuxième risque est de voir les entreprises exerçant leur activité dans un domaine qui leur permet d’avoir des échanges avec l’Union européenne, faire l’objet d’une sanction par la Commission nonobstant la fermeture du dossier par le Conseil. Mais dans ce dernier cas de figure, si la Commission engage une autre enquête, c’est que les effets de la pratique se font encore sentir.


Il faut savoir que le Conseil de la concurrence est une autorité nationale ayant un rôle important dans l’économie interne. Il prends des décisions en prise en compte de l’intérêt des entreprises et de l’économie nationale, tandis que la Commission européenne n’a que faire de ces intérêts. Il serait donc préférable, dans le cadre du dialogue avec le Conseil, de prendre toutes les mesures pour faire cesser un acte et ses effets.


B - Détection des pratiques à risque.


Pour les détections des pratiques, encore une fois il faut adapter les moyens à la taille des entreprises et les moyens financiers dont elles disposent.


Toutes les entreprises, n’ont pas les moyens de payer des audits, alors que certaines disposent d’un service d’audit pour tous les besoins stratégiques de l’entreprise. Mais cela ne doit pas être un obstacle. Solliciter un audit externe et faire appel à cabinet d’avocat spécialisé reste le gage d’une conformité efficace.


Ces audits doivent pouvoir faire surgir des comportements et des situations douteuses. Des mails douteux, des participations à des réunions d’entreprises, des prises de position sur des concurrents ou des clients, tous des comportement à risque. Ces derniers doivent être soumis à l’avocat conseil qui analyse le niveau de risque et l’opportunité des poursuites. Le cabinet, ou l’organe interne doit effectuer une subsomption entre les faits constater et la règle de droit afin de mesurer la probabilité d’une condamnation.


Il y a toutefois une situation pour laquelle les entreprises ne portent pas une grande attention alors qu’elle peut être lourde de conséquences en matière de concentration.


Dans le cadre de fusion, acquisition ou absorption d’une entreprise, les acquéreurs sollicitent un audit fiscal par peur d’une situation à risque engendrant un redressement, un audit social pour éviter des conflits sociaux et des sanctions du juge mais ignorent, à tort, l’audit concurrentiel.


Une Question Prioritaire de Constitutionnalité a été posée en France à propos la sanction d’une entreprise pour une pratique anticoncurrentielle survenue à l’époque des anciens dirigeants. L’entreprise défendait le principe de la personnalisation des peines des délits pour rejeter la responsabilité. Le Conseil constitutionnel a répondu par la négative en optant pour le critère de la continuité économique. Dès lors que l’entreprise agit sur le marché, que ses produits et prestations continuent à être proposés, l’entreprise qui a pris sont contrôle est responsable de la pratique nonobstant sa survenance sous la caquette de l’ancien directoire.


Le Conseil constitutionnel a donc soulevé un point juridique qui ne peut avoir une autre interprétation dans l’ordre juridique algérien. Le Conseil de la concurrence doit pouvoir se baser sur ce principe de la continuité économique pour sanctionner les entreprises qui se retrouverait dans ce cas de figure. Au demeurant, les entreprise ne peuvent plus se permettre de passer outre cet audit au risque de laisser une épée de Damoclès sur leur finances.


Pour conclure, il faut garder en tête que nul n’est censé ignorer « la conformité ». Cette perspective qui est, certes, volontariste ne laisse aucune place au concours de circonstances pour les entreprises et leurs dirigeants. Ces derniers ont tout intérêt à se conformer et sortir de l’état naturel afin d’éviter une sanction qui pourrait les mettre sur le tapi. Ce défi est en quelques sortes semblable au passage de l’être humain de l’état de nature à l’état civil en adoptant un comportement conforme aux règles de la vie en société. Ce passage « produit dans l’homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à l’instinct ». Cette citation de J. J. Jacques ROUSSEAU est facilement transposable au programme de conformité des entreprises. Ces dernières doivent substituer, en toute circonstance, dans leur comportement la règle de droit à l’égoïsme primaire.







 
 
 

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